Circul’egg, concevoir des ingrédients biosourcés : Rencontre avec Yacine Kabeche CEO de Circul’egg

Yacine Kabech, CEO de Circul'egg : ingrédients biosourcés

Fondée en 2020 Circul’egg est une entreprise qui conçoit de nouveaux ingrédients biosourcés en donnant une seconde vie aux déchets.

Pour le Journal du Manager, Yacine Kabeche, CEO de Circul’egg nous présente le savoir-faire de l’entreprise.

Quelle est l’activité de Circul’egg ? Comment crée vous des ingrédients biosourcés ?

Il existe des industries jouant un rôle important dans la chaîne alimentaire en cassant des œufs, puis en séparant les blancs des jaunes pour les revendre à d’autres acteurs de l’agroalimentaire. Ces entreprises génèrent cependant une quantité importante de déchets, dont les coquilles d’œufs. Nous avons donc mis au point un processus qui nous permet de récupérer ces coquilles, de les décontaminer, de les broyer et de séparer la coquille et sa membrane. Une fois ce processus terminé, nous obtenons du carbonate de calcium avec la coquille, une source de calcaire pouvant être recyclée et contribuant à la décarbonation et une poudre de membrane riche en bio-molécules d’intérêts.

En réalité, nous contournons l’utilisation du calcaire traditionnellement extrait des carrières, ce qui engendre un impact écologique. Ainsi, nous commercialisons notre ingrédient, la poudre de coquille, principalement sur le marché des matériaux. Les industriels qui fabriquent de la peinture, des revêtements de sol, du verre et du caoutchouc sont nos principaux clients. Ils achètent notre poudre car elle est sourcée de manière responsable, recyclée et présente une empreinte carbone réduite par rapport au calcaire. Par ailleurs, la membrane interne, similaire à celle visible lorsqu’on retire la coquille d’un œuf, est riche en collagènes et en acides hyaluroniques. Nous la commercialisons plutôt sur le marché des compléments alimentaires, de la cosmétique et des aliments pour animaux de compagnie. Cette membrane possède des propriétés bénéfiques pour le soutien des articulations et la santé de la peau, ce qui en fait un complément alimentaire apprécié. Notre approche commerciale s’oriente uniquement vers les relations interentreprises (B2B) pour commercialiser nos ingrédients biosourcés .

Comment avez-vous créé cette entreprise ?

En tant qu’ingénieur Agroparistech, qui signifie un ingénieur dans l’agroalimentaire, j’ai été impliqué dans un projet étudiant axé sur l’économie circulaire. En me renseignant à ce sujet, j’ai eu l’occasion de discuter avec un directeur de casserie qui exprimait le besoin de valoriser les coquilles d’œufs. Cela a inspiré notre projet étudiant. Plus tard, lors de mon stage, alors que je m’ennuyais, j’ai retravaillé ce projet et j’ai échangé avec d’autres responsables de casseries afin de savoir s’ils avaient des besoins similaires. Cette convergence de besoins a constitué une opportunité pour nous, conduisant ainsi au lancement de Circul Egg à ce moment-là.

Qu’est-ce que l’économie circulaire et comment gère-t-elle des ingrédients biosourcés ?

L’économie circulaire réinstaure les principes de bon sens paysan, mettant l’accent sur la réutilisation des déchets. Ceci dans le but de récupérer leur valeur économique et de les réintégrer dans un nouveau circuit. Cette approche, appelée réemploi, consiste à réintégrer les déchets dans de nouveaux processus industriels plutôt que de les éliminer.

Travaillez-vous avec des agriculteurs et ingénieurs pour créer les ingrédients biosourcés ?

Bien que nous ne soyons pas directement impliqués dans la production agricole, puisque les œufs proviennent des agriculteurs, ils sont traités par les casseries. Puis nous récupérons les coquilles d’œufs. Pour autant, nous avons un fort désir de rehausser la chaîne d’approvisionnement dans laquelle nous nous installons.

Ainsi, nous cherchons à rétribuer une partie de notre chiffre d’affaires aux éleveurs pour leur offrir un nouvel apport financier. Sur le plan technique, notre équipe d’ingénieurs se concentre sur le développement des processus et réfléchit aux usines du futur. Nous avons récemment ouvert notre première usine et envisageons d’en ouvrir plusieurs autres.

Cette phase implique la mise en place de nouveaux processus industriels et le développement de produits par nos ingénieurs afin d’améliorer nos produits. Car, les coquilles sont principalement destinées aux matériaux, tandis que la membrane, riche en collagène, est utilisée dans les compléments alimentaires pour humains, les aliments pour animaux de compagnie et les produits cosmétiques.

Notre équipe de production est chargée de transformer la coquille en la séparant de sa membrane dans notre usine. Tandis que nous disposons également des fonctions support habituelles telles que la finance, la communication, les ventes, le développement commercial et les ressources humaines. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux talents pour améliorer notre produit et créer différents ingrédients biosourcés.

Vous avez obtenu de nombreuses récompenses, qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Notre victoire au concours du Petit Poucet nous a apporté des fonds, constituant ainsi le carburant essentiel du projet. Cependant, au-delà de cet aspect financier, cette réussite nous a également offert une précieuse visibilité et une crédibilité accrue. De plus, elle nous a permis d’établir des relations avec des partenaires, ce qui a considérablement accéléré notre processus de recherche. Parfois, l’accompagnement et les opportunités valent bien plus que la somme d’argent collectée. Nous avons eu l’opportunité d’échanger avec des directeurs de la recherche et développement de premier plan dans nos domaines.

À quoi vous a servi votre dernière levée de fonds ?

La levée de fonds offre non seulement des liquidités immédiates, mais également un effet de levier. Elle permet l’accès à des subventions et à des prêts bancaires. En général, pour chaque euro levé, il est possible d’obtenir un euro de subvention et un euro de prêt bancaire. Notre dernière levée de fonds s’est élevée à 5 millions d’euros, dont 2 millions provenaient d’investisseurs. En parallèle, 2 millions de subventions et 1 million de dette bancaire. C’est pourquoi nous communiquons sur un montant total de 5 millions d’euros. En plus de cela, nous recherchons également ce que l’on appelle la « smart money », des investisseurs individuels qui apportent une expertise dans différents secteurs tels que l’alimentation pour animaux de compagnie, le collagène, les matériaux et les compléments alimentaires.

Chaque mois, nous organisons des réunions avec eux au cours desquelles ils nous proposent des mises en relation avec des personnes pertinentes pour notre projet. C’est précisément ce que nous recherchons, et c’est pourquoi nous avons choisi de lever des fonds avec Asterloventure. En effet, non seulement ils fournissent un financement grâce à leur fonds dédié, mais ils mettent également en relation avec environ une quinzaine de business angels. Ceux-ci possèdent une expertise intéressante pour notre activité, notamment dans le domaine de l’industrialisation. Notre approche repose sur l’idée que : « on sait qu’on ne sait pas mais on cherche à comprendre », c’est pourquoi nous nous appuyons sur les expertises des investisseurs et des mentors pour avancer.

Comment voyez-vous Circul’egg dans 10 ans ?

Nous sommes certains de valoriser toutes les coquilles d’œufs en Europe, et surtout, nous explorerons d’autres ingrédients biosourcés. Notre objectif est de repérer d’autres déchets inexploités. En effet, il existe encore de nombreux déchets dont la valeur économique et écologique n’est pas suffisamment exploitée. Nous avons déjà commencé à identifier de nouveaux déchets et nous continuerons sur cette lancée.

L’entrepreneuriat vous était-il destiné ?

A posteriori, oui, mais a priori, non. Au départ, je n’avais pas du tout l’intention de m’engager dans cette voie. C’est un projet étudiant qui s’est présenté à moi de manière inattendue. Au début, ce n’était pas quelque chose que j’avais spécifiquement envisagé. Même si l’on dit toujours que l’on contrôle notre destin. Cependant, en y réfléchissant bien, je me rends compte que j’ai toujours été passionné par le monde des affaires et désireux d’apprendre de nouvelles choses. C’est pour moi la meilleure façon d’apprendre, car je suis constamment stimulé et enthousiasmé par ce que je fais. Je suis toujours en train de lire des livres et d’écouter des podcasts pour me perfectionner. Certains entrepreneurs se disent “ je dois trouver une idée spécifique” pour se lancer, mais ce n’était pas mon cas. En revanche, je sais que si un jour Circul Egg prend fin, que ce soit parce que je décide de partir ou que l’entreprise périclite, cela fait partie du jeu. Dans tous les cas, je sais que je vais me relancer et je recommande à tous ceux qui aiment l’entrepreneuriat de faire de même.

Quelles leçons importantes avez-vous apprises au cours de votre parcours professionnel que vous aimeriez transmettre aux autres ?

Il est essentiel de consacrer du temps à l’apprentissage et à l’intérêt pour autrui. Cela fait partie de ma routine quotidienne. J’apprécie également les échanges et les rencontres avec les autres. Il est primordial d’écouter davantage que de parler, même lorsque les opinions sont contradictoires, car cela créer un débat.

Quel est l’animal qui incarne le mieux l’esprit de l’entreprise et pourquoi ?

Un renard qui pond des œufs, car c’est mignon et rusé ! Il est aussi très ingénieux et sait s’adapter à n’importe quelle situation et dans n’importe quel environnement.

Nos remerciements à Yacine Kabeche, CEO de Circul’egg.

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