Fondée en 2021, Juno est une startup qui développe une solution SaaS qui digitalise les process industriels et pilote les opérations. Son logiciel permet aux industriels de renforcer leur productivité et les aide à renouer avec l’excellence opérationnelle à l’échelle pour pérenniser leur compétitivité.
Pour le Journal du manager, Thibaud Godillot nous parle des enjeux du secteur industriel et de la valeur ajoutée qu’apporte Juno.
Comment ce projet est-il né ? Quel a été le déclic ?
Juno a été créée par OSS Ventures, un startup studio spécialisé dans l’industrie 4.0. En d’autres termes, il ne crée que des startups Tech qui adressent des problématiques pour l’industrie 4.0. Nous avons cofondé Juno avec ce startup studio.
De ce fait, l’idée ne vient ni de moi ni de mon cofondateur. Elle provient des gens de chez OSS Ventures qui passent leurs journées dans des usines. Ces personnes-là, au fur et à mesure de leur rencontre, détectent des problèmes et identifient les irritants. Lorsque les irritants sont communs à un panel suffisamment large d’industriels, ils commencent à se pencher sur la création d’une solution. C’est ainsi que Juno est née.
Pourquoi avoir rejoint l’aventure de Juno ?
En 2020, avec mon associé de chez Le Pantalon, nous avons décidé d’explorer d’autres périmètres et nous donner d’autres challenges. Nous avons donc nommé une Directrice générale pour gérer Le Pantalon. De mon côté, j’ai cherché à me lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale. Plus précisément dans le service et dans le software en BtoB.
Avec Le Pantalon, nous avions eu l’occasion de visiter un bon panel d’usines dans le textile. Alors en creusant les sujets industriels, j’ai constaté assez rapidement que le digital était complètement absent des usines. Que ce soit en France, en Italie, au Portugal, etc. En me penchant sur la question, je suis tombé sur OSS Venture et je suis allé à la rencontre de leurs équipes. Nous avons discuté de ces sujets-là et le feed a été très rapide. La vision également a été partagée très rapidement. C’est comme cela que j’ai pu voir les projets qui étaient en cours de création, dont Juno qui s’appelait Caméléon à l’époque. Par la même occasion, j’ai fait la connaissance de Reda Arslane Ouafi, mon actuel associé. Nous avons travaillé ensemble pendant quelques semaines et au bout d’un mois, j’avais rejoint l’aventure.
Qu’est-ce que le logiciel Juno, et à qui s’adresse-t-il ?
Pour qu’une usine fonctionne, elle repose sur plusieurs choses, notamment sur des processus et de la documentation. Aujourd’hui, dans la majorité des usines françaises, européennes ou mondiales, ces processus sont gérés par de gros fichiers Excel, Word ou PDF. Ils sont ensuite imprimés au poste de travail des personnes qui sont dans les lignes de production. Cela signifie que pour lire une instruction de travail, les opérateurs présents sur les lignes de production sont obligés de chercher dans un gros classeur en fonction du produit en cours de fabrication. Idem pour le contrôle de qualité, il faut trouver le bon document, la bonne feuille, etc.
Le problème est que c’est très compliqué et absolument pas moderne. Mais au-delà de cela, il y a de gros problèmes de fluidité des processus et de communication entre ceux qui les créent et les exécutants. Évidemment, si un manager a besoin d’analyser ce qui se passe, il est obligé de chercher toutes les petites feuilles qui ont été renseignées sur tous les postes de travail. Ensuite, il lui faut ressaisir dans Excel des dizaines de milliers de données par jour avant de pouvoir les analyser. Par conséquent, il est impossible de prendre des décisions basées sur des données tangibles.
L’idée était de créer un software dédié au pilotage des opérations dans les usines. Cette solution permet à la fois de créer des tâches à exécuter au poste de travail, des instructions, des contrôles qualité et de les afficher au bon moment au bon endroit pour les opérateurs. Et que ces derniers puissent directement consulter et saisir leurs données dedans. Qui dit « software » dit « temps réel ». Les données sont donc accessibles et uniformisées, car la data structure est la même. Ainsi, on est capable d’analyser plus souvent et de prendre de meilleures décisions.
Comment le secteur de l’industrie accueille-t-il votre solution ?
Le secteur industriel l’accueille plutôt très bien. Surtout les secteurs qui sont particulièrement règlementés comme la pharmacie, le médical, l’agroalimentaire, la cosmétique, etc. En effet, ces secteurs-là ont beaucoup de règles à respecter en production, avec le papier, cela devient très difficile. Et par-dessus tout, ils ont besoin, pour la règlementation et les clients, de mettre en place une traçabilité totale de toutes les données d’un lot de fabrication. Ce qui représente des dizaines, voire des centaines d’heures par mois qui sont dédiées à consolider les données de production.
En revanche, quand on travaille avec un software, par nature, on journalise tout et l’on historise tout. De cette manière, la traçabilité est faite et l’on y accède en 3 clics. Globalement, on a un impact sur le secteur industriel qui est très fort, mais surtout sur ces secteurs-là qui sont très directs.
Quelle est la place du numérique dans l’industrie ? Quels sont les progrès à réaliser ?
Le numérique et le secteur industriel ont une relation assez historique et assez forte. Le milieu industriel a été le premier à utiliser des ordinateurs et des logiciels. Malheureusement, depuis une trentaine d’années, cela a un peu stagné. Mais aujourd’hui, on sent un retour parce que les technologies sont plus accessibles. De plus, les industriels ont pris conscience qu’il devient incontournable de mettre en place des solutions logicielles pour gagner en performance, car les autres leviers sont arrivés à leur maximum. Donc, le numérique fait partie des grands chantiers de l’industrie de demain. C’est de pouvoir intégrer davantage de technologies, qu’elle soit software ou hardware, pour pouvoir maximiser l’efficience des process, maximiser la productivité.
Le secteur industriel fait face à de nombreux enjeux de complexité et de hausse des prix, si bien que l’efficience est devient un grand enjeu. Dorénavant, on ne peut plus se permettre de ne pas être efficace. Tout comme on ne peut plus gaspiller du temps, de la matière ou des hommes, ce n’est plus possible. En d’autres termes, le logiciel est une des variables les plus importantes pour arriver à l’efficience.
Vous avez levé 3 millions d’euros en juillet. À quoi ce montant a-t-il servi ?
Cette levée nous servira majoritairement à recruter des talents exceptionnels pour nos 3 équipes : les développeurs, les opérations et les commerciaux. Le but est d’être capable de :
- signer de nouveaux contrats et décrocher de nouveaux clients,
- continuer à développer une application qui soit performante,
- toujours être mesure de proposer des fonctionnalités de plus en plus apporteuses de valeur.
Quels ont été selon vous les facteurs clés du succès de votre entreprise ? Comment expliquer cette croissance rapide ?
Je pense que les facteurs clés ont été multiples. Le premier, c’est que nous avons créé Juno en janvier 2022 et qu’en un an, nous avons réussi à développer la solution en partenariat avec des industriels. Nous avons réussi à leur faire tester notre solution pour la confronter et la construire de manière agile. Tout cela afin de concevoir une première version qui soit satisfaisante et signer nos premiers contrats. De plus, nous sommes passés, du 1er janvier au 31 décembre 2022, de 2 à 10 personnes dans l’équipe. Sans oublier notre logiciel commercialisé et utilisé par des centaines de personnes dans les usines.
Évidemment, cette vélocité a énormément joué. Le second facteur concerne la co-construction. Les raisons pour lesquelles 50 % des projets de transformations digitales échouent sont : de mauvaises méthodologies de projet et des interfaces qui ne sont pas ergonomiques. En effet, certaines personnes vont paramétrer le logiciel pour le client pendant 8, voir 15 mois. Tandis que notre solution est un logiciel SaaS clé en main. Nous sommes donc capables de le délivrer en 3 semaines. De plus, on a vu énormément de logiciels qui sont performants, mais tellement complexes que les opérateurs ne veulent pas les utiliser. En ce qui nous concerne, nous avons passé beaucoup de temps à co-construire notre interface avec des équipes d’opérateurs. C’est pourquoi aujourd’hui, nous sommes les seuls à avoir une adoption de terrain aussi exceptionnelle.
Avez-vous prévu d’étendre votre activité à l’international dans les années à venir ?
Oui, bien sûr. Aujourd’hui, nous sommes présents en France et un petit peu en Europe. L’objectif est de s’étendre beaucoup plus en France, en Europe et aux États-Unis assez rapidement. On a des déploiements qui sont prévus dès le début 2024 aux États-Unis, alors oui, nous avons beaucoup d’expansions prévues.
Nous avons 3 leviers principaux. Le premier est plutôt direct. C’est-à-dire que nous allons nous-mêmes démarcher des industriels par des stratégies de marketing d’acquisition, de calling, des salons, etc. Ensuite, nous avons de l’indirect. À savoir tout ce qui est « mise en relation et vente indirecte ». Il faut savoir que l’on travaille avec des cabinets de conseils en transformation, management du changement, etc. Enfin, il y a aussi le bouche-à-oreille. À ce jour, ce n’est pas encore majoritaire évidemment, mais plus on se déploiera, plus ça deviendra important.
L’entrepreneuriat, un hasard ou une vocation ? Quelles sont les erreurs à éviter en se lançant ?
Je pense que l’entrepreneuriat, on y vient parce que c’est un peu ancré en nous, on n’y vient pas par hasard. C’est vraiment une envie qui doit être profonde parce que c’est très compliqué. C’est comme si l’on faisait un gros saut dans le vide quand on rentre dans l’entrepreneuriat. Sans trop savoir où on va aller. Moi, je suis issu d’une famille d’entrepreneurs depuis toujours. J’ai même un arrière-arrière-grand-père sous Napoléon III qui était déjà entrepreneur, donc je pense que c’est un peu ancré en moi.
Quelle est votre feuille de route pour les prochains mois ?
Notre feuille de route est assez claire. Commercialement, il faut évidemment que l’on signe le plus de clients possible dans notre cœur de cible. Cela afin de prouver et répéter notre capacité à déployer chez des clients. Techniquement, on a plusieurs briques fonctionnelles sur lesquelles on travaille. Le premier chantier consiste à sécuriser toutes les fonctionnalités existantes et à les rendre encore plus performantes. Et puis, on a des chantiers liés à la disponibilité offline de nos solutions pour pallier les problèmes de disponibilité de réseau. On a l’intégration de l’intelligence artificielle et du machine learning.
Aujourd’hui, du côté de l’analyse, Juno est une solution qui met à disposition de la donnée et qui permet de l’analyser. Demain, on veut être capable de pousser des analyses toutes faites et des indications de gains de performance directement à nos utilisateurs. Pour cela, on va s’appuyer sur des machines en ligne et sur l’intelligence artificielle. Ensuite, il y a énormément de développements techniques qui sont plus liés à des problématiques métiers bien spécifiques. Les secteurs industriels sont tous variés et ont tous des besoins spécifiques. Dès lors, en fonction du temps qui passe et des opportunités de marché auxquels nous serons confrontés, il nous faudra faire des choix en termes de road map.
Nos remerciements à Thibaud Godillot, cofondateur et CEO de Juno.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one