Team For The Planet, l’entrepreneuriat au service de l’urgence climatique : Rencontre avec son cofondateur, Nicolas Sabatier.

Nicolas Sabatier, cofondateur de Team For The Planet, l’entrepreneuriat au service de l’urgence climatique.

Fondée en 2019, Team for the Planet est une société qui crée des entreprises pensées et paramétrées de A à Z pour lutter contre les gaz à effet de serre.

Pour le Journal du Manager, Nicolas Sabatier nous raconte l’histoire de Team For The Planet et comment l’entreprise met l’entrepreneuriat au service de l’urgence climatique.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel et entrepreneurial ? Quelles sont les grandes étapes ?

Pour commencer, j’ai fait des études de droit. Après mes études, je me suis retrouvé, complètement par hasard, à créer une entreprise de colonie de vacances avec mes associés. Nous avons créé Vitacolo en 2008, une société sous format associatif avec une forme juridique particulière. Nous l’avons fait en partant de zéro, sans subvention et en autofinancement.

Ensuite, j’ai créé le Houblon du Moulin en 2018. C’était une houblonnière biologique dans l’Ain qui produisait, transformait et commercialisait le houblon, un des ingrédients nécessaires à la fabrication de la bière. Après quoi, j’ai monté L’Atenium, un bar-restaurant qui fonctionne selon les principes de l’entreprise libérée, avant de lancer Team For The Planet.

Pouvez-vous nous présenter l’histoire et l’activité de Team For The Planet ? Pourquoi l’avoir fondée en 2019 ?

Avec Mehdi Coly, on nourrissait l’idée de créer des entreprises pour résoudre des problèmes de société. En l’occurrence, en 2008, on le faisait déjà mais dans le social avec l’inclusion des enfants en situation de handicap. D’ailleurs, à la fin de chaque année, nous comptions le nombre d’enfants qui avaient pu partir : c’était notre indicateur de performance. 

Ce projet, nous l’avions dans le carton depuis 12 ans : avoir une entreprise qui en crée d’autres. La particularité est que toutes ces sociétés auraient une activité commune classique. Tandis que la holding ne distribuerait pas les richesses créées à ses actionnaires, mais les réinvestirait entièrement pour avoir de nouveaux projets et plus d’impact. 

Il y a 4 ans, nous avons pris conscience de ce qu’était le dérèglement climatique. Lorsqu’on commence à se renseigner sur Arthur Keller et Jean-Marc Jancovici, et qu’on croise avec des notes scientifiques, on se rend compte que la situation est terrifiante. C’est ainsi que nous avons pris un an pour discuter et mettre de côté nos activités afin de lancer Team For The Planet. Un projet uniquement dédié à la captation des émissions de gaz à effet de serre.

Aujourd’hui, comment qualifieriez-vous Team For The Planet ? Comment son activité a-t-elle évolué depuis sa création ?

La notion de société commerciale à but non lucratif nous plaît bien, car c’est notre forme juridique. N’importe qui peut devenir actionnaire à partir d’un euro. Le but est qu’elle soit rentable, mais qu’on ne distribue pas le dividende. Notons que la non-lucrativité ne signifie pas qu’on ne gagne pas d’argent ou qu’on en perd. Cela signifie tout simplement que les dividendes ne sont pas distribués.

Au début, on nous disait que c’était impossible que des gens investissent sans retour financier. Néanmoins, on sentait instinctivement que c’était possible. Tout comme de nombreuses personnes investissent pour leur santé et dans l’éducation de leurs enfants, il y a énormément de gens qui dépensent de l’argent sans retour financier. Aujourd’hui, nous comptons 56 000 actionnaires en seulement deux ans et demi, cela fait donc longtemps qu’on ne nous le dit plus.

Je dirais que notre mission va bien plus loin que celle d’un incubateur de sociétés écologique. Dans notre parcours, nous sommes créateurs d’entreprises. Il est attendu que nous fassions preuve de sobriété et d’innovation. Nous avons tellement appris et compris de choses en passant à l’action que nous avons fait un choix. Notre contribution à la lutte contre le développement climatique est de : 

  • trouver ces innovateurs et innovatrices ;
  • leur apporter un ou une créatrice d’entreprises confirmée ;
  • les financer massivement.

Avec ces trois éléments, nous ne pouvons pas assurer que le projet soit une réussite, mais nous augmentons significativement ses chances et surtout réduisons le temps de création.

La dernière brique de thème pense-bête est de se dire : « Si jamais on échoue, comment peut-on faire pour réussir ? ». C’est un peu contre-intuitif certes, mais cela nous a permis d’imaginer la notion de licence libre et d’open source. Autrement dit, nous avons donné le droit à n’importe qui de devenir un concurrent ou une filiale. Les marchés sont tellement grands que l’existence de la concurrence ne peut empêcher l’entreprise de vivre. Au contraire, cela permet d’avoir un marché beaucoup plus vite.

Somme toute, notre mission est de détecter et de diffuser. Par diffuser j’entends : « transformer l’entreprise et donner le moyen aux autres de nous copier ».

Vous avez lancé une levée de fonds avec pour objectif un milliard d’euros d’ici 2030. Où en êtes-vous dans le développement de ce projet ? À quoi la somme récoltée a-t-elle servi ?

Le milliard est une façon pour nous de dimensionner le projet. Qu’on l’atteigne ou pas, c’est le moyen de créer une centaine d’entreprises. C’est notre but et nous pensons que c’est réalisable en dix ans. D’ordinaire, je suis du genre à ne pas fixer des ambitions trop élevées de peur de les rater. Cependant, à une certaine échelle, un milliard pour le climat c’est absolument ridicule. C’est la raison pour laquelle nous avons commencé depuis juin 2021. Nous avons voté les premiers investissements, dont le sixième fin mai.

Pour ce qui est des investissements récoltés, chacun met la somme qu’il souhaite, à partir de 1 €. De plus, environ 85 % du montant récolté est consacré à l’investissement, le reste est dédié au fonctionnement.

Quels sont selon vous les facteurs clés du succès de votre entreprise ? Comment expliquer cette croissance rapide ?

Pour ce qui est de la communication, on en fait très peu. Le secret, c’est que la fonctionnalité « employés » de Linkedin nous a énormément mis en avant. On s’est retrouvé à faire cela pendant les premiers mois du projet. Quelques jours après notre première conférence publique, nous avons reçu une notification qui disait « Jean-Robert est devenu associé de Team For The Planet ». On ne le connaissait pas, mais cette action nous avait poussés sur le fil d’actualité. C’est là que nous avons décidé de mettre cette stratégie en œuvre. J’aime bien raconter cette histoire, car beaucoup de personnes nous donnent la paternité de cette idée alors que nous ne détenons que la paternité de sa mise en œuvre.

Je pense que c’est multifactoriel en réalité. Il y a le fait qu’on soit amis, mais aussi l’accumulation de 12 ans d’expérience. Nous sommes beaucoup en silo dans nos compétences, ce qui nous permet de faire très peu de réunions. Le comment, nous l’avons construit au fur et à mesure. Aujourd’hui, notre équipe a une culture commune, des affinités et une façon très agile de fonctionner.

Il faut dire aussi que la chance et le hasard ont énormément contribué à notre succès. Mentionnons que 95 % des entrepreneurs qui échouent parlent de causes extérieures. Alors que ceux qui réussissent n’en parlent jamais. Je trouve qu’il y a une belle hypocrisie à ce niveau. De notre côté, nous assumons complètement le rôle qu’a joué la chance dans notre évolution. Il se suffit de prendre pour exemple notre propre cas. Un jour, nous avons organisé une émission depuis les studios de l’OLTV, avec de grands présentateurs télé. À la fin de l’émission, Raymond Domenech avait laissé un message à Laurent Morel, l’un des cofondateurs de Team For The Planet. Nous avons donc contacté Raymond pour lui demander une rencontre. De là, il nous a permis d’accéder aux studios de l’équipe TV dans lesquels nous avons tourné des émissions, ce qui a augmenté notre notoriété.

Pour finir, se réjouir ne sert à rien, car nos objectifs sont encore loin. Si bien qu’aucun de nous n’est satisfait du niveau que nous avons atteint aujourd’hui. Tout le monde considère qu’on est en construction ou même qu’on ne va pas assez vite. Nos objectifs seront atteints lorsqu’on aura réussi la plupart de nos entreprises, lorsqu’elles auront des mesures d’impact, et que l’on officialisera les licences libres.

Envisagez-vous de communiquer ou de financer des entreprises à l’international ?

Team For The Planet commence déjà à s’internationaliser. Actuellement, nous cherchons des directeurs généraux qui prendront part à la stratégie et au développement. Notamment des Anglais pour développer le Royaume-Uni avant de s’attaquer aux États-Unis. L’un de nos collaborateurs se trouve actuellement au Royaume-Uni depuis quelques jours, dans le cadre des recrutements.

Évidemment, nous comptons dupliquer ce modèle afin de trouver des innovations dans d’autres pays et d’y développer nos propres innovations. Compte tenu de l’ampleur de nos objectifs, se restreindre à la France serait idiot.

Comment bien gérer le développement d’une entreprise en interne ? À quels nouveaux défis le chef d’entreprise peut-il être confronté ?

Je pense que la culture est un levier important dans le développement d’une entreprise, surtout si ce développement accélère. Une fois que la culture, c’est-à-dire le cadre de valeurs et d’histoire, est bien travaillée et extrêmement claire, il est plus facile de rallier ses salariés.

Hélas, beaucoup de personnes sous-estiment l’importance de la culture et n’arrivent pas à prendre du recul, avoir une vision. En somme, la vision et la culture sont deux éléments pour un bon développement.

Vous avez fondé Team For The Planet avec plusieurs associés. Comment garantir de bonnes relations entre associés et avancer efficacement ?

Savoir parler de manière transparente et franche avec vos associés peut renforcer vos liens. En effet, si vous êtes capable de parler sans filtre pour le bien de votre projet, vous pouvez aller extrêmement loin. Il est très important de pouvoir se confier à ses collaborateurs pour mieux se comprendre les uns les autres. Par exemple, on nous demande souvent pourquoi telle personne est plus mise en avant que l’autre. À vrai dire, on ne s’en soucie pas vraiment. On met toujours la personne adéquate pour chaque rencontre. Je pense que rester des amis est l’une des chances que nous avons eues. Cette amitié nous permet de nous encourager, et surtout d’oser se dire les choses.

Quels sont vos projets pour les prochains mois ?

J’aimerais bien vous donner rendez-vous à Marseille, ce vendredi 1er juillet 2022. Nous y organisons une conférence pilote en live, physique et sur YouTube, où nous invitons tous nos actionnaires et toutes les personnes souhaitant nous rencontrer. C’est ce qu’on appelle un lancement d’épisode : une période de travail de quatre mois autour d’un seul thème. Ce lancement d’épisode nous permettra de diffuser, de mieux comprendre où nous en sommes et de lancer un cadre pour la suite.

Nous prendrons le temps de faire le point sur ce qui marche et ce qui est à améliorer. Le lancement prend fin sur le 16, 17 septembre à Pantin (Paris), où nous avons une assemblée générale et une soirée de clôture de cet épisode.

Auriez-vous des conseils à donner aux lecteurs du Journal du Manager souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Si je me parlais à mon moi de 22 ans, le conseil que j’aurais est de toujours se remettre en question pour apprendre à se connaitre le mieux possible. Se connaitre soi-même permet d’être beaucoup plus calme avec son environnement (salariés, associés, clients, fournisseurs, etc.). Se connaitre soi-même permet aussi de garder la tête froide à tout moment et de lire quand le problème vient de soi ou de l’extérieur.

Je me serais également demandé d’arrêter d’avoir peur de tout et de vouloir faire le projet parfait. Le plus important est de commencer et ensuite de l’améliorer ! Arthur et Mehdi sont plutôt doués là-dessus et c’est ce qui manque souvent aux innovateurs. Il faut toujours commencer par la version dégradée, écouter les retours et l’améliorer continuellement.

 

Nos remerciements à Nicolas Sabatier, Co-fondateur de Team For The Planet.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one

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