Fondée en 2017 par Maryline Perenet, Digit’Owl s’est donné pour mission de rendre accessible le monde du numérique au plus grand nombre et d’initier les enfants aux emplois de demain.
Pour le Journal du Manager, Maryline revient sur les enjeux et l’importance de l’enseignement du numérique aux enfants dès le plus jeune âge.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours avant Digit’Owl ?
Mon parcours a commencé il y a plus de 20 ans. J’ai beaucoup travaillé dans le domaine de la finance et des levées de fonds. En 2012 j’ai créé une startup, une plateforme e-commerce dans le bio. À l’époque j’avais la vision que le bio allait être notre prochain levier de consommation. C’est en 2004, après un séjour aux États-Unis où j’ai à la fois travaillé à New York et à San Francisco que j’ai découvert cet environnement Tech. La Silicon Valley m’a énormément inspiré pour la création de Digit’Owl. Il faut savoir que j’ai toujours baigné dans un contexte de programmation au sens large, puisque mon père programmait déjà des robots qui creusaient dans les mines. Je me suis d’ailleurs formée seule avec des cassettes audio sur mon Walkman pour apprendre les premières bases de la programmation.
Qu’est-ce que Digit’Owl ? À qui s’adressent vos services ?
Digit’Owl est une plateforme d’éducation au numérique pour les enfants et élèves de 5 à 17 ans. Que ce soit en France ou dans le monde, j’ai fait le constat que beaucoup de formations et d’acquisition de compétences au numérique avaient été mises en place pour les jeunes adultes dans le cadre de la formation professionnelle, mais qu’il n’y avait rien pour les 5 à 17 ans. À mon sens, il était essentiel de former les enfants dès 5 ans. Dès lors qu’on acquiert des compétences à cet âge-là, on ne se pose pas la question de savoir si l’on en est capable. En 2010, lorsque j’étais enceinte de mon premier fils, je regardais cette montée des pédagogies alternatives telle que Maria Montessori. C’est en lisant beaucoup de sujets de neuroscience que je me suis dis qu’il existait forcément un moyen d’apprendre l’algorithme aux enfants, et cela sans écrans.
Je décide de parcourir à nouveau l’Europe et les États-Unis en quête d’éducation alternative sur ces enjeux-là : comment former les enfants à l’algorithme tout en préservant leur esprit libre avec un sens critique ? Comment peuvent-ils acquérir le réflexe de l’algorithme et le comprendre ? Finalement, je réalise que la loi Hollande préconise dès le CE1 une heure par semaine de programmation et qu’aujourd’hui au brevet des collèges, 15 % de l’épreuve de maths est de la programmation. De plus, avec la réforme survenue en 2019, les lycées proposent un tronc commun obligatoire sur les sciences du numérique. À ce moment-là, je me pose des questions : qui s’occupe de former les enseignants ? Et surtout, quelles sont les ressources pédagogiques qu’ils ont à disposition pour faire les cours aux élèves ?
C’est donc en 2017 que je décide de tout quitter pour lancer Digit’Owl. Nous sommes un pure player du BtoSchool, nous sommes uniquement présents dans les écoles au service des enseignants pour leur fournir et leur créer des ressources pédagogiques. Nous proposons nos ateliers dans les écoles, en périscolaire et sur le temps scolaire. Aujourd’hui, 30 % de notre activité se déroule dans les classes au côté des enseignants avec nos ateliers d’apprentissage des algorithmes et notre pédagogie sans écrans de la grande section au CM1. Nous sommes également présents dans les collèges et nous commençons à intégrer les lycées. De plus, nous mettons sur notre plateforme éducative l’équivalent de plus de 250 heures de ressources pédagogiques à disposition des enseignants, et cela gratuitement. Nous allons lancer dans les prochaines semaines un parcours e-learning, ce qui va donner la possibilité aux enseignants de pouvoir utiliser Digit’Owl en classe avec le contenu de notre plateforme.
N’est-ce pas trop compliqué d’enseigner le code et le numérique sans écrans ?
Lorsque nous sommes en présentiel dans les écoles, nos ateliers se déroulent sans écrans. Ce qui intéresse les enseignants et les parents c’est de préserver les enfants des écrans. C’est la raison pour laquelle nous avons autant de succès et que nous proposons nos méthodes dans plus de 40 écoles en France et en Europe. Effectivement, dans nos ateliers les enfants vont apprendre tout au long de l’année à programmer et à réaliser des activités sans écrans. Les enfants font des Fab Labs avec nous en permanence. Nous nous sommes basés sur la pédagogie du Steam Education (Science Technology Engineering Arts & Mathematics) très utilisée aux États-Unis. Les enseignants ont bien évidemment besoin de mettre en place ces projets. Pour cela, ils peuvent télécharger nos différents tutoriels directement depuis notre site internet.
À partir de la classe du CM2, nous intervenons en complément au soutien scolaire. Notre but n’est pas de dire que les écrans sont horribles, mais plutôt de savoir comment faire bon usage de ces écrans et outils informatiques. Si un collégien ou lycéen recherche un stage, il est nécessaire pour lui d’avoir un minimum de culture digitale. Connaitre les réseaux sociaux, comment se présenter sur LinkedIn et savoir comment créer une réunion en ligne sont par exemple des enjeux très importants.
Depuis plusieurs années il y a eu de nombreuses évolutions technologiques et numériques, selon vous l’Éducation nationale s’est-elle suffisamment adaptée ?
Cette crise de la COVID a permis à l’Éducation nationale d’accélérer sur des usages plus digitaux pour les enseignants. Malheureusement la pédagogie ce n’est pas seulement d’équiper des enseignants à utiliser Zoom. Il y a eu effectivement de grands plans de distribution de tablettes et d’ordinateurs dans les lycées sauf que ce n’est pas un plan numérique, c’est un plan d’équipement. À aucun moment, que ce soit dans les écoles, collèges ou lycées nous ne sommes sur l’enjeu de cette éducation au numérique.
Je sais qu’aujourd’hui l’Éducation nationale essaye de rattraper le retard en lançant des formations d’enseignants CAPES informatique, mais encore une fois je pense que c’est un faux débat. Avoir de nombreux enseignants en informatique ne garantit pas à nos 15 millions d’élèves qu’ils bénéficieront d’un bon enseignement sur l’usage du numérique. De Jules César, premier cryptologue de l’humanité à Elon Musk, il est important de comprendre et de connaitre l’Histoire du numérique. L’algorithme est une véritable matière intégrante aux mathématiques, mais qui n’est pas exploitée et je ne vois pas comment cela pourrait s’améliorer dans les prochaines années. Je pense sincèrement que l’Éducation nationale a pris la mesure de l’enjeu, d’autant plus que la crise de la COVID a accéléré de plusieurs années ces usages, mais elle n’a pas les ressources nécessaires. Aujourd’hui avec Digit’Owl, nous sommes les seuls en France à proposer des ressources pédagogiques sur cette matière.
Pourriez-vous nous en dire plus sur votre campagne Ulule lancée en janvier 2021 ?
Tout à fait !
Nous avons lancé nos premiers cahiers pédagogiques pour élèves de la grande section au CM2. Nous nous sommes dit que faire une campagne Ulule était aussi une bonne occasion de se faire connaitre. Même si nous sommes des novices sur les campagnes de Crowdfunding nous avons réussi avec beaucoup de succès ! Grâce à une belle communauté de contributeurs, nous avons atteint l’objectif, ce qui nous a permis d’imprimer les cahiers et de commencer à en faire bénéficier certaines écoles publiques.
Quelles sont les prochaines étapes de développement pour Digit’Owl ? Quelles sont vos ambitions ?
Nous sommes actuellement en pleine croissance.
Nous avons effectué une première levée de fonds en mai 2020 notamment avec un fonds d’investissement : 123 IM. Nous devrions aborder dans les prochaines semaines des sujets intéressants comme le recrutement et la recherche de nouveaux partenariats. Nous sommes en train de développer tous nos contenus de ressources pédagogiques, en l’espace de 2 mois nous sommes passés de 50 heures de contenus à 350 heures. Avec plus de 10 000 téléchargements de nos ressources, nous espérons nous diriger vers une utilisation croissante des enseignants, mais également des parents. En effet, de nombreux parents téléchargent nos contenus pour les faire en famille. Nous allons vers un partenariat avec les grandes entreprises pour proposer nos packs famille.
Auriez-vous des conseils à donner aux lecteurs du Journal du Manager souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Ce qui est le plus important c’est la passion ! Lorsqu’on est entrepreneur et qu’on souhaite créer son entreprise de zéro, c’est qu’une idée nous a traversé l’esprit. Selon moi, il est nécessaire d’être passionné par cette idée, si l’on ne l’est pas c’est que ce n’était tout simplement pas la bonne. À travers cette passion vous générez de l’énergie qui va vous permettre d’être audacieux et de rencontrer un grand nombre de personnes. Il faut pouvoir s’entourer, accepter d’être accompagné, d’échanger et surtout trouver son premier client !
Nos remerciements à Maryline Perenet, fondatrice & CEO de Digit’Owl.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one