Agricool, marque pionnière de l’alimentation locale et responsable : Rencontre avec son co-fondateur & Président, Guillaume Fourdinier

Guillaume Fourdinier, Co-Fondateur & CEO de Agricool

Co-fondée en 2015 par Guillaume Fourdinier, Agricool est une start-up française spécialisée dans l’agroalimentaire. Au cœur des villes, elle produit dans des conteneurs des fruits et des légumes sains, sans pesticides, durant toute l’année. L’entreprise souhaite ainsi garantir une agriculture ultra-locale, et contribuer à la construction d’un système alimentaire responsable grâce à l’innovation.

Pour le Journal du Manager, Guillaume Fourdinier relate la naissance d’Agricool et les enjeux auxquels l’entreprise doit faire face.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire d’Agricool et la genèse du projet ?

Agricool se fait immatriculer en octobre 2015, mais l’aventure débute quelques mois plus tôt, en janvier. Tout commence avec deux co-fondateurs, Gonzague GRU et moi. Nous sommes deux fils d’agriculteurs ayant grandi à la campagne. Quand nous avons créé l’entreprise, il y avait ce besoin de trouver une solution pour mieux manger lorsque nous habitions en ville, notamment à Lille et à Paris où nous faisions nos études. Étant de nature curieuse, nous suivions beaucoup les actualités aux États-Unis, où les technologies d’indoor farming commençaient à croître.

À l’époque, nous avions ce rêve fou de pouvoir produire n’importe où en utilisant très peu de ressources. C’est ainsi qu’en 2015, tous les deux, nous avons transformé un premier conteneur maritime. C’était l’équivalent du garage de Steve Jobs, sauf que nous étions situés dans une ferme autour de Saint-Quentin. C’était une période drôle et intense. Nous travaillions toute la journée dans ce conteneur, à essayer de recréer toutes les conditions intérieures nécessaires : un système de gestion de culture, de lumière, une production en verticale… Le but était de maximiser la production au mètre carré dans un conteneur.

Nous avons commencé par des fraises, en clin d’œil à son père qui en produisait. Le premier conteneur a été installé à Bercy, devant la cinémathèque, principalement pour montrer qu’on pouvait produire différemment. À ce moment-là, tout était rose, il n’y avait pas vraiment d’entreprise, juste un conteneur qu’on avait aménagé. Nous ignorions tous les deux si cette folie se propagerait ou pas. Finalement, de nombreuses personnes et des journalistes nous ont approchés et nous ont fusillés de questions. Au bout d’un mois, nous avons pu lever 500 mille euros grâce à des investisseurs.

Nous avons ensuite eu une « période d’auto-diagnostic », car nous étions très loin d’avoir un vrai prototype. Nous n’avions pas du tout imaginé nous lancer dans de la R&D, puisque le business model a toujours été très simple. Dans le premier conteneur construit avec Gonzague, nous stockions une table et des tabliers pour vendre nos fraises. Nous étions persuadés que ce conteneur nous apporterait un rendement suffisant afin de nous en procurer d’autres ; c’était loin d’être le cas.

Puis nous avons commencé la R&D. Notre objectif était d’obtenir un laboratoire de recherche et de développement pour tester les variétés ainsi que les meilleures conditions de culture. En somme, expérimenter tous les paramètres pour s’assurer de trouver la meilleure solution, et faire croître notre rendement. Six mois plus tard, nous avons eu une augmentation des rendements et une levée de fonds supplémentaire. Ce fut la première vraie levée de fonds avec Daphni qui s’élevait à 4 millions d’euros. Cela nous a permis de prendre des laboratoires de R&D sérieux, et un entrepôt de deux mille mètres carrés à La Courneuve. Avec les difficultés rencontrées dans le premier conteneur, nous avons recruté un premier agronome, un deuxième, et ainsi de suite. Deux ans plus tard, nous avons levé 7 millions d’euros.

En 2018, une soixantaine de personnes travaillaient en R&D. Au fur et à mesure, nous avons pris conscience qu’aucune technologie n’était assez mature pour notre projet. Nous étions les pionniers, et nous devions inventer. Nous avons alors investi 12 millions d’euros et conçu des technologies de LED, de gestion climatique, etc.

Néanmoins, nous n’avons pas basculé dans la partie technique parce que cela nous aurait fait devenir une boîte de vente de technologie. J’étais persuadé depuis le début que nous étions une marque de fruits et légumes. Un gros manque de confiance existait. Or, c’est de là qu’une marque tire son pouvoir. Je n’ai jamais lâché cette ambition. Plutôt que de choisir d’être une entreprise de R&D et une marque, je voulais construire, grâce à la R&D, une qualité de produit extraordinaire, qui puisse être valorisée auprès du public sous forme de marque.

Comptez-vous faire breveter et commercialiser l’innovation que vous avez développée autour de la LED ?

Non. Breveter une invention revient à donner sa recette et à la publier. Nos innovations renforcent notre différence. De plus, détenir une avance propriétaire rendra notre marque plus performante par rapport aux produits concurrents.

La concurrence d’Agricool est-elle importante ?

Oui. Pour le moment, Agricool est encore microscopique. Lorsque la concurrence génère plusieurs centaines de millions d’euros en chiffres d’affaires juste en France, et que votre entreprise paraît toute petite, créer une vraie valeur ajoutée devient indispensable… En la faisant grandir, nous serons en mesure de prendre de la place.

Vous catégorisez-vous comme un agriculteur ?

Non, car l’agriculteur va plus rarement jusqu’à la marque. Nous avons réalisé de la R&D pour concevoir nos fermes, ce qui nous a valu des exploitations inédites dans lesquelles nous cultivons nos fruits. Nous possédons notre marque et nous vendons nos produits finis en magasin. Ce que je trouve passionnant dans cette histoire, c’est que nous nous retrouvons à avoir une qualité de marchandise novatrice et difficilement rattrapable.

Typiquement, nous livrons le lendemain de la récolte à Paris, sans pesticides, et nous formons une alliance avec le consommateur pour produire ce dont il a besoin. Ainsi, nous avons la maîtrise de toute la chaîne, et demeurons responsables en cas de problème ou de nécessité d’amélioration de la qualité.

Aujourd’hui, nous avons pu montrer notre capacité à produire des fraises d’une qualité incroyable. Elles sont vendues à la Grande Épicerie de Paris avec qui nous venons de signer un contrat de 3 ans. De plus, nos marchandises n’ont jamais été « déréférencées » en deux ans de collaboration. Agricool a fait ses preuves.

Nous avons beaucoup appris de nos derniers lancements. Les produits tels que les herbes aromatiques et les salades sont très appréciés par notre clientèle. Notre différence est frappante sur ce type de marchandises car nous récoltons et nous distribuons directement, créant ainsi une fraîcheur de produit incroyable.

Existe-t-il des contraintes législatives ou réglementaires auxquelles vous avez dû faire face avec Agricool ?

Les contraintes législatives concernent principalement les pratiques et produits interdits, comme l’utilisation de pesticides. Dans le modèle de production actuel, un agriculteur à la campagne, tout seul, sans aucun personnel, ne peut pas suivre un procédé trop compliqué, sinon il ne s’en sortirait pas.

Il y a certes des restrictions, mais elles ne sont pas complexes à appliquer (« Paquet Hygiène », interdiction de produits…). Toutefois, là où c’est problématique, c’est lors de l’augmentation du volume de production. C’est à ce moment que la légitimité de la marque entre en jeu. Si Agricool parvient à produire 200 tonnes de salade par an, et que l’on découvre un cas de bactérie dans les laitues, c’est la catastrophe pour nous. Nous nous demandons donc constamment : « comment s’y prendre pour rester meilleur en termes de qualité de produit ? »

Et comment Agricool conserve-t-elle cette qualité de produit ?

À vrai dire, nous avons eu de la chance d’être bien entourés. Au début, des investisseurs Tech comme Daphni nous ont rejoints. Ils nous ont beaucoup aidés sur l’innovation des conteneurs. Au tour d’après, Danone et Bpifrance se sont joints à nous, et plus précisément, Danone Manifesto Venture qui représente la partie vision de Danone sur l’alimentation de demain. Eux aussi nous ont apporté énormément sur la structuration industrielle. Chez Danone, on a la chance d’avoir accès à des personnes spécialisées en qualité et en procédés industriels. Les ressources mises à notre disposition nous permettent de comprendre quelle méthode doit être appliquée afin de conserver une qualité optimale.

Aujourd’hui, nous détenons une ferme située à La Courneuve. Cette exploitation contient 11 conteneurs, dont 8 pour la production (herbes aromatiques, salades, fraises). Nos installations accueillent 8 personnes, qui travaillent sur place et peuvent maintenant distribuer jusqu’à 50 magasins. Nous disposons également de cinq Carrefour Market, et avons signé un contrat avec Monoprix qui nous assure la livraison dans 85 boutiques au terme de l’année. Nos produits sont aussi disponibles chez La Belle Vie.

Qui sont vos clients ?

Nous sommes une marque de fruits et légumes vendus en grande distribution et en distribution classique.

Dans quelles villes êtes-vous présents aujourd’hui ? Quels sont vos prochains territoires d’implantations ?

Aujourd’hui, nous détenons une forte présence à Paris. Cela s’explique par le fait que la mission d’Agricool consiste à permettre à tous de manger « local et sans pesticides », même en ville ! De nos jours, certaines études montrent que 95 % des clients veulent se nourrir de produits locaux. Ces études révèlent aussi que l’agriculture locale est à minima un aussi gros driver que le bio, sachant qu’il représente 2 % de la consommation en France (IRI). Je trouve passionnant de pouvoir apporter des alternatives à ce problème. C’est la raison pour laquelle notre mission a plus d’impact ici.

Dans les années à venir, nous avons l’intention de nous développer dans les grandes villes françaises où le besoin est similaire, comme Lyon et Marseille, et ensuite dans les villes européennes. Mais cela demande beaucoup de temps, et le plus important est de créer de la valeur et de prospérer là où l’on se sent le mieux. Aujourd’hui, nous arrivons enfin à cette phase de déploiement. Pour cette fin d’année, nous prévoyons d’étendre notre présence : de 5 magasins en janvier 2020 à un peu moins de 200 boutiques. Déployer dans d’autres villes apparaît donc comme imminent…

Quels sont les enjeux des start-ups qui se lancent dans le secteur alimentaire ?

Selon moi, on peut distinguer deux types de boîtes alimentaires. D’abord, on peut citer celles qui créent une marque, mais qui n’inventent rien. Dans ce cas, on parle plutôt d’innovation marketing. Sans vouloir trop m’avancer, je pense que les innovations marketing rencontrent peut-être moins d’obstacles majeurs. Par exemple, lorsqu’on achète des ingrédients chez différents partenaires ou usines et qu’on les assemble, on crée une marque et on la distribue. Ce sont des enjeux de volumes.

Ensuite viennent ceux qui innovent en réinventant le modèle. Les problématiques que j’ai rencontrées sont surtout dues à la construction d’un nouveau modèle. Dans ce cas, l’entreprise fait face à des enjeux de R&D, d’ingénierie, d’agronomie et d’industrialisation. Le modèle de financement et les réalités du terrain sont donc un peu opposés. Le seul moyen d’y arriver est de trouver les bons investisseurs et les bonnes personnes. Le plus important reste de se rapprocher de ses investisseurs et de créer un très fort alignement, en permanence, pour s’assurer d’avoir leur confiance.

Comment l’activité a-t-elle évolué depuis sa création ?

Agricool est passé d’aventurier inventeur à une recherche et développement structurée, puis à un développement business. On conserve cet esprit pionnier.

Et le mois dernier, nous avons transformé toute notre identité visuelle. C’est la phase où l’on s’affirme. Agricool devient une vraie marque et se retrouvera dans plus de 200 points de vente dans Paris d’ici cette fin d’année 2021.

Qu’est-ce que tu retiens comme leçon de cette aventure entrepreneuriale ?

La première, c’est que j’ai eu l’aubaine de pouvoir recruter avec facilité pour la simple raison que notre mission demeure forte. C’est aussi une grande chance de choisir sur quoi on va travailler les dix prochaines années. Le secret consiste à se demander si j’ai envie de les passer en retargeting ou sur quelque chose qui me passionne.

La deuxième, c’est le besoin de résilience et de courage. On peut considérer la lecture externe de l’entrepreneuriat comme l’Instagram de la vie personnelle. Nous sommes tous conscients du danger de trop visualiser la vie des autres à travers les réseaux. C’est exactement la même chose pour l’entrepreneuriat, idem pour les plus gros succès. En réalité, ce n’est pas le fait d’être bon de A à Z qui détermine la réussite, c’est la capacité à ne pas craquer devant chaque problème, mais de tous les résoudre. Le secret réside dans la foi en sa mission.

Quelles sont vos ambitions et vos futurs projets ?

L’ambition d’Agricool est de faire passer la consommation locale de la niche à la norme. Majoritairement en ville puisque c’est en particulier là que le problème réside. Nous souhaitons par la suite devenir la tête d’affiche de ce mouvement.

Nos remerciements à Guillaume Fourdinier, Co-Foundateur et Président d’Agricool.
Propos rapportés par l’équipe de manager.one

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