Fondée en 2015, Shopopop est une entreprise qui propose des services de livraison en cotransportage. Pour le Journal du Manager, Johan Ricaut, cofondateur de Shopopop nous présente la particularité du service ainsi que son parcours professionnel.
Quelle est la particularité du service que propose Shopopop ?
Shopopop propose un service de cotransportage. L’innovation réside dans l’utilisation de déplacements quotidiens effectués par des particuliers pour réaliser des livraisons à domicile de courses et colis. Ces particuliers, appelés cotransporteurs, cherchent à optimiser leurs trajets en voiture effectués chaque semaine afin de rendre service tout en augmentant leurs revenus.
Lorsqu’un consommateur effectue ses achats sur le site internet des commerçants, notamment dans la grande distribution, il a la possibilité, à la fin de sa commande, de choisir la livraison via Shopopop, le service de cotransportage. Lorsqu’une demande de livraison est reçue, elle est ensuite intégrée dans l’application Shopopop et mise à disposition de tous les cotransporteurs qui ont installé l’application.
Ils peuvent décider s’ils souhaitent effectuer la livraison ou non, sans aucune obligation. C’est vraiment une question de volontariat : si un cotransporteur est en mesure d’effectuer la livraison, il le fait, sinon quelqu’un d’autre le fera.
Notre objectif n’est pas d’avoir un petit nombre de personnes très actives, mais au contraire, plus nous aurons de personnes ayant l’application, plus nous aurons de chances d’obtenir le perfect match, c’est-à-dire le bon trajet pour la bonne livraison.
Comment se traduit l’expression Shopopop ?
« shop »👉se traduit par l’acte d’achat et du shopping
« opopop »👉suggère l’action “on y va, on rebondit”. La notion « op » donne également vie à l’idée de livraison, passer d’un point A à un point B, en mettant l’accent sur la rapidité.
« pop »👉pour la population et la popularité.
Qu’est-ce qu’un cotransporteur et comment le devenir ?
Shopopop se veut très inclusif, offrant la possibilité à chacun de devenir un cotransporteur. Le processus est très facile : il suffit de télécharger l’application, qui est gratuite et disponible sur Android et iOS. Une fois que vous avez téléchargé l’application, il vous suffit de vous inscrire et de suivre les étapes. Vous pouvez ensuite enregistrer jusqu’à six trajets réguliers dans l’application, ce qui vous permettra de réaliser des livraisons adaptées à vos déplacements grâce à la géolocalisation. C’est un usage qui reprend les codes similaires au covoiturage, où l’on met à disposition sa voiture ou son vélo pour transporter les courses ou les colis de quelqu’un d’autre, en rentrant du travail par exemple.
Nous n’effectuons pas de livraisons pour des articles volumineux tels que des réfrigérateurs ou des machines à laver. Il s’agit d’un service complémentaire aux services professionnels de livraison.
Quelles mesures de sécurité sont mises en place pour garantir le bon déroulement du service ?
Les particuliers doivent fournir une pièce d’identité pour l’authentification et renforcer la sécurité. Ils doivent également saisir leurs coordonnées bancaires pour recevoir les dédommagements. En effet, à chaque livraison réalisée via l’application, les cotransporteurs reçoivent un “pourboire”, généralement compris entre 5 et 9€ en moyenne.
Ce pourboire varie en fonction de la distance à parcourir, du volume de la commande et des éventuels étages à monter, la présence ou non d’ascenseur, etc. Cette procédure est rassurante, car elle garantit que seuls des individus authentifiés et vérifiés livrent les courses et cela incite plutôt au respect et à la prudence.
Comment sensibilisez-vous à la pratique du cotransportage ?
Nous utilisons Facebook pour communiquer et promouvoir le service. Car, lorsqu’un magasin propose ce service à ses clients, Facebook permet de faire connaître le service dans un rayon précis et défini autour du magasin. Les livraisons sont généralement effectuées dans un rayon moyen de 7 kilomètres autour du magasin. Grâce à l’outil de localisation de Facebook, nous pouvons informer à la fois les cotransporteurs et les consommateurs de ce service. Notre développement s’est principalement axé sur la grande distribution pendant la période du Covid, ce qui était quelque peu exceptionnel à l’époque, mais cela est devenu une habitude pour les Français par la suite.
Nous travaillons également en partenariat avec des commerçants locaux. Tant avec des intermédiaires bien établis comme Interflora et Florajet qu’avec des fleuristes indépendants. Cela nous amène à effectuer des livraisons de fleurs pour des occasions telles que la Saint-Valentin, la fête des Mères, la fête des grands-mères et les anniversaires.
Ces livraisons sont souvent des surprises, ce qui rend les rencontres avec les cotransporteurs très agréables. Ainsi, nous avons développé cet aspect floral, et même la grande distribution spécialisée commence à s’ouvrir à ce système de livraison. De plus, Shopopop a établi des accords-cadres avec des enseignes de renom telles que Leclerc, Carrefour, Intermarché et Auchan, ainsi qu’avec des magasins bios comme Biocoop et La Vie Claire. D’ailleurs, il est remarquable de noter que Shopopop assure ⅓ des livraisons de courses en France ! Actuellement, plus de 6 000 commerçants ont choisi de collaborer avec nous. Notre objectif est de nous adapter à chaque commerçant, et notre service est facilement adaptable, que ce soit en milieu urbain ou rural.
Comment Shopopop s’engage pour la planète et pour l’humain ?
Tout d’abord, nous cherchons à répondre à un besoin social en redonnant du pouvoir d’achat aux Français et en leur offrant la possibilité de compléter leurs revenus. De plus, nous sommes sensibles à l’impact environnemental, notamment en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, dont le dernier kilomètre représente 25%.
Le concept de Shopopop vise à utiliser les trajets existants pour les livraisons, évitant ainsi d’ajouter des déplacements supplémentaires et favorisant la mutualisation pour réduire le trafic urbain. Notre principal axe de développement sur l’application concerne les trajets réguliers. Actuellement, nous avons recensé 410 000 trajets réguliers dans l’application, ce qui nous permet, pour chaque livraison mise en ligne, d’identifier en moyenne 54 trajets adaptés parmi ceux proposés par nos cotransporteurs. Une livraison effectuée sur un trajet régulier entraîne en moyenne un détour de 2,3 kilomètres, ce qui équivaut à 400 grammes d’émissions de CO2. Cela représente une réduction de 72% des émissions de CO2 par rapport à un trajet que le consommateur aurait effectué pour se rendre au magasin et en revenir.
Le vaste réseau territorial de Shopopop constitue l’un des aspects remarquables de ce modèle. Présent dans plus de 27 000 villes et villages de France, il permet même à des personnes comme une grand-mère isolée dans le Cantal de recevoir des livraisons et de bénéficier d’un contact agréable au cours de sa journée. Cette présence étendue est non seulement pratique, mais aussi sociale, offrant des avantages significatifs aux communautés. Il faut savoir que ce niveau de couverture territoriale est unique en France et n’a pas d’équivalent.
Quel est votre rôle chez Shopopop ?
Aujourd’hui, mon rôle, c’est de m’assurer que l’activité poursuit son développement en France. Il est essentiel que le fonctionnement de l’entreprise, à travers ses processus, ses équipes, et son organisation, soutienne nos ambitions de croissance et de développement. Nous visons à positionner Shopopop comme un leader européen dans le domaine du cotransportage. Mon associé Antoine se concentre sur l’expansion internationale, en accompagnant nos équipes à l’étranger pour établir et développer Shopopop sur ces marchés.
Dès le début, nous avons partagé une ambition commune et un penchant pour l’aventure et le défi, voire la découverte. L’objectif était de créer une entreprise, où nous pourrions nous épanouir. Tout cela, en développant un modèle d’affaires qui, sur le papier, pouvait sembler un peu loufoque. Au début, beaucoup considéraient notre idée comme sympathique mais peu viable, arguant que le secteur du transport est hautement réglementé. De plus, que les gens ne seraient pas prêts à se faire livrer par des particuliers et qu’ils sont habitués aux livraisons professionnelles clairement identifiées par un camion avec le logo de la marque. Donc en effet, il y avait ce sentiment de relever un défi et alimenter notre désir de créer un projet d’envergure internationale. Nous nous sommes dit que si nous réussissions en France, nous pourrions étendre notre modèle plus largement.
Par ailleurs, Antoine et moi avons des traits de caractère différents, mais complémentaires. Là où Antoine est extraverti, je serai plutôt introverti. Si lui incarnent l’énergie et la fougue aventureuse, j’aurai le côté plutôt calme et posé, prêt à tempérer les sujets. Cela équilibre la prise de risques et la mesure et cette complémentarité est l’une des clés du succès de Shopopop.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées durant votre parcours ?
Au début, le défi principal était de trouver son marché. Se lancer dans un secteur existant ne facilite pas toujours la tâche pour s’imposer, en particulier à la première place. L’entrepreneuriat a cela de particulier qu’il permet de créer de nouvelles catégories où l’on peut se positionner en leader. C’est ce que nous avons réussi avec Shopopop en établissant le secteur du cotransportage. Grâce à notre détermination, nous sommes devenus un leader dans ce domaine. Cela représentait un véritable challenge dans un marché encore inexistant et dans lequel il fallait gagner sa légitimité.
La confiance a également joué un rôle clé, notamment lors de nos premières rencontres avec de grandes enseignes, alors que nous n’avions que 24 et 25 ans. L’idée qu’une personne puisse livrer des courses avec sa propre voiture semblait difficile à adopter pour nos interlocuteurs. Ainsi, établir notre crédibilité face à d’éventuels clients importants sur un marché significatif a été une difficulté. Enfin, le défi consistait à maintenir le rythme et à accompagner la croissance rapide typique d’une start-up. Cela signifie qu’en raison de notre modèle d’affaires, qui ne peut réussir que s’il se déploie rapidement, une grande quantité d’énergie doit être investie par les dirigeants. Nous la transmettons ensuite aux équipes pour qu’elles s’impliquent pleinement dans ce projet ambitieux.
Cela implique que nous évoluons dans un milieu très dynamique et rapide pour nos collaborateurs. Il faut donc avoir une aptitude à prendre du recul sur certaines décisions. Par exemple, après avoir travaillé six mois sur un projet, il faut parfois admettre que nous nous sommes trompés et décider de revenir en arrière. Cela requiert la capacité d’accepter l’échec, même dans un contexte où l’entreprise connaît globalement du succès. En outre, il est essentiel pour nous de contribuer à l’évolution de nos collaborateurs. Notre ambition était aussi de créer un environnement propice à l’apprentissage et au développement des compétences des personnes. Il est donc important de conserver cet alignement entre le développement des compétences et la croissance accélérée de l’entreprise.
Dans le cadre de l’économie collaborative comment faites-vous pour faire avancer les lois ?
La réponse est dans la question “on fait”.
Globalement la réglementation et les lois ont souvent un temps de retard par rapport à ce qui existe déjà. Cela soulève une observation intéressante : nos actions précèdent souvent la législation. Dans notre cas, nous avons fait du Shopopop et concentré nos efforts sur l’utilisation et la popularisation de notre service. Ceci, malgré le fait que ce soit un marché normé par des pratiques traditionnelles. Nous avons prouvé l’efficacité et la fiabilité de notre modèle, comparable à celle des modèles traditionnels. C’est sur cette base que nous avons commencé à aborder le cadre réglementaire. Aujourd’hui, le cotransportage est reconnu dans la législation française par un décret, qui est en cours de précision.
Shopopop s’inscrit dans l’économie collaborative, permettant aux participants de gagner jusqu’à 3 000€ annuellement. Bien qu’il soit possible de dépasser ce montant, cela impliquerait alors de payer des impôts sur les sommes supplémentaires. Nous avons choisi de plafonner les revenus sur notre application à 3 000€ pour deux raisons principales. D’abord, pour rester aligné à l’esprit de l’économie collaborative, et aussi, car nous ne voulons pas que cela devienne une motivation économique. Cela pourrait être associé à un emploi déguisé ou à un métier de chauffeur-livreur ce qui n’est pas le cas. Nous souhaitons que notre plateforme reste un moyen pour les gens de profiter des trajets qu’ils effectuent régulièrement pour rendre service en contrepartie d’une participation à leurs frais.
Avez-vous deux beaux témoignages à nous partager ?
L’année dernière, nous avons organisé un atelier de rencontres avec des utilisateurs dans nos locaux à Nantes. Cela nous a permis de recueillir leurs suggestions d’amélioration de l’application. Lors de cette réunion, j’ai eu l’occasion de discuter avec une famille qui utilise Shopopop de manière exhaustive. La mère, actuellement retraitée, exerçait encore son activité dans un supermarché. C’est l’endroit où elle a découvert le système, car celui-ci était client de Shopopop. Elle a alors commencé à utiliser l’application, puis en a parlé à son mari. Celui-ci a également commencé à effectuer des livraisons dans leur commune. Leurs deux enfants sont actifs professionnellement : leur fille, aide-soignante, a commencé à utiliser l’application en rentrant chez elle le soir. Ces deux personnes ont également un enfant de cinq ans, qui leur disait parfois : « Quand est-ce qu’on fait un Shopopop ? ».
L’usage de l’application est devenu une pratique familiale, en accord avec la valeur d’entraide locale.
Le second témoignage, est un jeune livreur qui a apporté des courses à une dame. Celle-ci s’est avérée être la nouvelle propriétaire de la ferme ayant appartenu à la grand-mère du jeune homme. Elle l’a alors invité à prendre un café et lui a fait découvrir les nouveaux aménagements qu’elle avait effectués.
Quelle est la tradition la plus amusante ou étrange au sein de votre entreprise ?
L’une de nos traditions les plus sympathiques est qu’à la fin de chaque soirée d’entreprise, nous terminons par un karaoké.
Nos remerciements à Johan Ricaut, CEO de Shopopop. Propos rapportés par l’équipe de manager.one